La mairie du 4-5 a accueilli les étudiants de Master de Géographie et d'Anthropologie (AMU) au sein du Museum d'Histoire Naturelle du Palais Longchamp, ce samedi 9 décembre 2023, pour une présentation de leurs travaux sur les thèmes de "La place des animaux dans le parc" et "Les travailleurs dans le parc Longchamp", devant un public nombreux d'habitants, d'usagers, d'élus locaux et d'associations.

Restitution publique de l'enquête "Parc Longchamp, thèmes choisis". - Atelier du 4/5 - Ville en Transitions

Anne Médard, la conservatrice du Museum d'Histoire Naturelle (à gauche) nous accueille avant l'inauguration de la journée par Claire Bénit-Gbaffou (à droite)

Les étudiants et étudiantes du Master 1 de Géographie & Aménagement et de Master en Anthropologie (Aix-Marseille Université), encadrés par leurs enseignants Carine Fournier, Pierre Sintès, Sylvie Ayimpam et Claire Bénit-Gbaffou, ont exposé les résultats des travaux qu’ils ont réalisé tout au long du semestre autour de l’enquête citoyenne menée par le groupe Avenir Longchamp (JCL, Colportes & Marseille en Transition) et de leurs propres enquêtes qualitatives. Ces travaux s'inscrivent dans la poursuite de ceux de 2022 conduits au sein de l'Atelier Marseille 4-5 sur la diversité sociale et les pratiques populaires au sein du parc Longchamp.

La matinée était scindée en deux séquences :

  • Les travailleurs dans le parc - souvent "invisibles" tant leur présence est habituelle, ils jouent un rôle qui dépasse leur activité professionnelle, dans la régulation sociale du parc et de ses usages
  • La place des animaux dans le parc : les débats sur la présence ou l'éviction d'animaux domestiqués comme les chiens et les poneys, faisant écho aux représentations centrées autour de la valorisation de l'ancien zoo.

La salle du Museum d'Histoire Naturelle constituait un décor impressionnant tant pour les étudiants que pour le public, nombreux, et composé, outre les étudiants et enseignants, d'habitants et usagers du parcs, de membres d'associations (les Jardins Collectifs Longchamp, Laisse Béton et PAZ notamment) et de d'élus locaux  : Nassera Benmarnia, adjointe au Maire de Marseille en charge de la Nature en Ville; Delphine Frenoux, adjointe d'arrondissement déléguée à l'économie sociale et solidaire,  et Jean-Pierre Rolland, adjoint d'arrondissement à l'urbanisme et aux grands chantiers, entre autres responsabilités et délégations. Didier Jau, marie du 3ème secteur a également fait un passage. Enfin les travailleurs rencontrés par les étudiants étaient  présents dans la salle. Le public s'est montré intéressé, concerné et patient malgré la densité des présentations. La discussion, sur des sujets parfois clivants dans le réaménagement du parc, fut constructive.

Place et représentation des animaux au sein du parc Longchamp

En s'appuyant sur une analyse lexicographique des discours des usagers, les étudiants en géographie identifient trois types de positionnements sur la place des chiens au sein du parc Longchamp. 


La première session s'ouvre sur une analyse de la présence des chiens au sein du parc Longchamp, alors que le projet de réaménagement prévoit l'éventuelle suppression de la zone d'évolution canine d'un hectare au profit de trois cani-parcs ou de l'ouverture d'un autre parc à la présence des chiens. Les étudiants géographes s'appuient dans un premier temps sur l'enquête citoyenne sur le parc réalisée en 2022 par des collectifs, pour montrer la faible connaissance qu'a la majorité des usagers non propriétaires du parc canin (d'une part), et identifier trois types d'attitudes quant à la présence des chiens dans le parc: un souhait de voir leur présence légalisée dans l'ensemble du parc, une volonté de les voir plus strictement restreints au parc canin, et l'expression d'une colère face à l'incivilité de certains propriétaires. Ils complètent leur analyse par des entretiens auprès des propriétaires de chiens. Elle permet de révéler que la zone d'évolution canine est un espace privilégié de sociabilités, marquées par une forte mixité sociale, et dont la taille, généreuse, offre aux chiens un espace (unique en centre-ville) pour courir et jouer, éviter les conflits, et être socialisés.  La réglementation à propos de la présence des chiens en laisse pour traverser le parc n'est pas toujours bien maîtrisée ce qui explique, en partie, son irrespect - les comportements inciviques de certains propriétaires de chien étant décriés par les enquêtés, qui en appellent à une intervention des gardiens.

Les étudiants en géographie présentent les résultats de leur enquête sur les représentations de l'ancien zoo devant des membres d'associations locales (à droite) et des élus (à gauche). 


La deuxième présentation de cette première session porte sur l'héritage de l'ancien zoo du Parc Longchamp et de sa perception par les usagers du parc. Cette enquête fait ressortir la forte dépréciation de cette partie du parc et la demande de réhabilitation. Les projections des habitants pour une réhabilitation du patrimoine du zoo, notamment ses cages et les animaux en résine colorée datant e 2013, sont très variées; entre aspirant à une patrimonialisation, une occultation d'un passé jugé maltraitant pour les animaux, ou une réactualisation sous forme de ferme pédagogique de cette histoire du parc, par la réintroduction d'une présence animale plus adaptées aux conditions d'accueil.

Les étudiantes en géographie retracent les représentations, tensions et conflits provoqués par la suppression des balades à poneys, sous l’œil vigilant des élus et acteurs concernés 


La troisième et dernière présentation de la session sur les animaux dans le parc portait sur la place des poneys, et leur interdiction définitive en décembre 2022 après de nombreuses années d'activité. Elle porte donc sur un conflit d'aménagement important dont les parties prenantes étaient représentées dans la salle. Les étudiantes sont parvenues à présenter de manière équilibrée les positions respectives des acteurs et leurs appréhensions divergentes de l'activité. Leur analyse est complétée par l'étude des perceptions que les usagers entretenaient de cette activité avant sa fermeture - dénonciation par principe (au nom du bien être animal), critique en pratique (mauvaises conditions d'accueil pour les poneys dans une écurie à réhabiliter), ou appréciation forte, comme activité ludique ou comme moment privilégié de contact avec l'animal pour l'enfant. L'exposé invite en conclusion à réfléchir sur les services apportés par ces balades à poneys (l'occasion de contact avec les animaux pour un public d'enfants, y compris populaire), et l'importance de les repenser en tentant compte à la fois du bien-être animal et de l'inclusion sociale.

Le public applaudit les présentation des étudiants, tout en préparant leurs premières questions et remarques 


La session se clôture sur une ouverture de la parole à la salle. Outre quelques précisions méthodologiques et épistémologique, le débat fait ressortir l'importance de prendre en compte les besoins spécifiques des animaux dans l'aménagement des espaces dédiés. Un échange sur le règlement concernant la présence des chiens dans le parc (hors parc canin) fait comprendre que l'autorisation de traverser le parc avec chien en laisse est une adaptation municipale aux pratiques. Nassera Benmarnia, élue à la Nature en ville, en réfère à ses collègues Christine Juste et Lydie Frenzel, et explique que la mairie a œuvré à la mise en place d'une charte du bien-être animal.

Les travailleurs dans le parc

Les étudiants en anthropologie établissent des portraits détaillés des gérants des deux buvettes présents dans la salle.

Les deux premières présentations de cette deuxième partie portaient sur les buvettes et leurs gérants. Les étudiants en anthropologie établissent les portraits des gérants respectifs de chaque buvette, de leurs expériences et de leurs rapports tant à la clientèle qu'à l'espace du parc et ses évolutions. Cette première présentation dresse le portrait de deux individualités dans le parc, ancrées depuis des décennies (buvette familiale pour Pascale, "en haut" sur le Plateau; gérance depuis une trentaine d'années pour Jean-Luc, "en bas", dans l'ancien zoo). Ces portraits mettent en évidence l'attachement de ces travailleurs à leur activité, leur rôle de médiateur, d'animateur et de régulateur auprès des publics, et leur souhait de pérenniser leur activité dans le Parc Longchamp réaménagé. 

Elus, enquêtés et enseignants écoutent attentivement les restitutions des étudiants. Au premier rang de gauche à droite : Nassera Benmarnia, et Jean-Pierre Rolland. Au second rang : Pascale, gérante de la buvette du plateau ; Jean-Luc, gérant de la buvette de l'ancien zoo ; Sylvie Ayimpam, enseignante d'anthropologie ; au fond : Claire Bénit-Gbaffou et Carine Fournier, enseignantes en géographie. 

La seconde présentation sur les buvettes, conduite par des étudiants en géographie, porte sur les usagers et le public de ces buvettes. S'intéressant aux clientèles de chaque buvette, ils expliquent que celle du zoo est davantage fréquentée par des habitués, retraités, et une clientèle plus populaire et plus locale; la buvette du plateau attirerait une plus grande diversité du public, et notamment des touristes: moins régulier et plus aisé. Ils expliquent ces différences essentiellement par la localisation des buvettes au sein du parc. Par l'étude de l'enquête citoyenne 2022, les étudiants rendent compte de la représentation de l'ensemble des usagers du parc sur les buvettes: certains louent l'atmosphère familiale, la chaleur de l'accueil et l'accessibilité des prix (surtout dans l'ancien zoo), mais la plupart réclament une rénovation et de plus grandes plages d'ouverture, ainsi qu'une communication sur ces horaires.

Ces deux premiers travaux permettent ainsi de montrer l'importante fonction sociale joué par les gérants des buvettes, surtout celle de l'ancien zoo, au sein du Parc Longchamp. 



La session se poursuit avec une présentation portant sur les travailleurs des manèges et des jeux présents dans le parc Longchamp, karting et trampoline.  Les portraits des trois premiers acteurs mettent en avant l'ancienneté de leur présence sur le parc, leur rôle d'animateur et de référent pour de nombreux publics et leur attachement à la mémoire et à l'inclusivité au sein du Parc Longchamp. Les études auprès des usagers soulignent leur attachement à ces activités au coeur des sociabilités enfantines et familiales. 

Les deux dernières présentations se centrent sur deux catégories de travailleurs utilisant l'espace du parc dans le cadre de leurs activités professionnelles, sans que celle-ci n'y soit directement liées : les assistantes maternelles et les coachs sportifs. La première présentation porte sur la garde rémunérée d'enfants et interroge la présence et les usages des assistantes maternelles au sein du parc Longchamp. Outre une présentation détaillée du profil des enquêtées, l'enquête atteste de leur usage extensif du parc Longchamp : les activités de promenade et de jeux conduisent les assistantes maternelles à se déplacer dans l'ensemble du parc, y compris au musée.  Il apparaît qu'elles marquent tout de même des temps d'arrêt plus importants à proximité des activités de sociabilités proposées au sein du parc : jeux, buvettes et manèges ainsi que poneys quand ceux ci étaient encore en activité. Usagères quasi-quotidiennes du parc, l'étude des étudiants en géographie rend compte des conflits d'usages qu'elles rencontrent avec la présence des chiens ou la disparition des poneys, et de leurs attentes concernant l'amélioration de la propreté, de l'accessibilité et de la sécurité au sein du parc. 

La dernière présentation de cette seconde session se concentre sur une activité pourtant interdite par le règlement du parc : l'organisation, rémunérée ou non, de pratiques sportives collectives sans autorisation de la mairie. Dans un premier temps, les étudiants soulignent que la pratique collective du sport sous la supervision d'un coach est fortement répandue au sein du parc Longchamp. Ils s'appuient ensuite sur les entretiens conduit avec 3 coachs, professionnels ou non, pour comprendre les logiques qui pousse à l'appropriation de l'espace par les sportifs. Outre le faible nombre d'espaces publics dédiés à la pratique du sport et l'ignorance de la réglementation, les coachs et leurs élèves justifient leur présence par les aménités en terme d'espace, de verdure et de liberté qu'offre le parc. Les étudiants concluent leur présentation en insistant sur la difficulté à réguler ces pratiques qui contribuent à l'animation et l'appropriation du parc : ils suggèrent, dès lors, leur institutionnalisation. 

Marc, le propriétaire des attractions (manège, karting, trampoline), félicite les étudiants et exprime son inquiétude sur la place de ces attractions dans le futur parc Longchamp

La session se clôt sur des échanges avec la salle. Les travailleurs, heureux d'avoir été entendus et valorisés par les travaux des étudiants, expriment leur attachement à leurs métiers tout en regrettant de ne pas être davantage impliqués lors de l'organisation d'évènements culturels, et de souffrir de l'incertitude du maintien de leurs activités. Les élus reconnaissent le rôle social des gérants des manèges et des buvettes au sein du parc tout en affirmant que ces dernières doivent faire l'objet d'une réhabilitation pour correspondre au statut de "jardin remarquable" du Parc Longchamp. 


Un compte rendu par Mathilde Jourdam-Boutin et Claire Bénit-Gbaffou. Toutes les photos sont de Mathilde Jourdam-Boutin.