Valoriser la friche Françoise Duparc : restaurer l'espace public par de nouveaux flux - Atelier du 4/5 - Ville en Transitions

Depuis plusieurs années, les étudiants de l'Ecole Nationale du Paysage travaillent à réinventer l'espace public du 4ème arrondissement, dans le cadre d'une vision plus large pour la ville de demain qui devra s'adapter au changement global. En partant de l'existant, chaque étudiant s'est saisi d'un espace public, dont il a tenté, en suivant son imagination, de présenter les potentialités. En 2022, Capucine Desvallées a proposé le réaménagement de la friche SNCF le long du boulevard Françoise Duparc et de ses rues adjacentes, un projet pensé pour offrir des haltes aux multiples circulations, humaines et non-humaines, centralisées autour d'une nouvelle gare ferroviaire.

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Le diagnostic : Une friche à revitaliser à différentes échelles.

Une friche effacée du paysage

Les friches urbaines sont souvent perçues négativement. Ce sont des résidus de l’aménagement des villes. La friche SNCF au croisement du boulevard Françoise Duparc et le la rue de la Conception s'inscrit dans un réseau de délaissés, le long de la voie ferrée qui relie la gare de la Blancarde à celle de Saint-Charles. 

Pour autant, elle constitue à l'échelle micro-locale un espace refuge pour la biodiversité : malgré un sol pauvre en matière organique, un très grand nombre de plantes pionnières et post-pionnières et même certaines plantes ligneuses comme des ailantes, troènes du japon, clématites s'y développent. Elle constitue également une halte pour la flore spontanée, les insectes, les oiseaux.

A l'échelle du quartier, la friche s'inscrit au carrefour d'un espace marqué par les sociabilités passées. Jusqu'à l'enfouissement du Jarret dans les années 1960, c'était un lieu de production économique : le grain y était transformé en farine à la minoterie, devenue le Centre Municipal d'Animation (CMA). Il s'agissait également d'un lieu d'échanges commerciaux comme de loirsirs puisque les rives de la rivière offraient un espace idéal pour la pétanque. Aujourd'hui seul le Bar du Soleil offre encore un lieu de sociabilité.

A l'échelle urbaine, ce lieu n'est rattaché au centre-ville que par la rocade bitumée parcourue par un flux continu de voiture et de camions, tandis que les voies ferrées qui marquent l'espace par les arcades, traversent seulement ce quartier sans le desservir. Davantage que la friche c'est aussi aussi les qualités spatiales du carrefour que le projet de Capucine Desvallées souhaite revitaliser.

Des usages dominés par les flux automobiles


Le projet de réaménagement : créer une halte à la croisée des chemins

Le projet imaginaire prévoit en premier lieu l’implantation d’une nouvelle gare : la gare du Moulin, à mi-chemin entre la gare St Charles et la Blancarde. Ce carrefour devient alors la connexion entre la voie ferrée et le tram T4 qui reliera les Chutes Lavie à la plage du Prado. Il redevient dès lors une centralité pour le quartier à la croisée de plusieurs itinéraires : les chemins des piétons, des usagers du tramway et des trains, des courses et jeux des enfants qui se rendent au CMA, le ruissellement de l’eau de pluie le long des versants du Jarret, les trajectoires des graines des plantes spontanées semées par le vent, le vol des oiseaux qui peuplent le quartier... L’objectif est de permettre une halte et des rencontres entre ces différents chemins, humains et non-humains.

 

Le Jarret enterré est ici conservé en l’état. Ce sous-terrain situé 5m sous le sol actuel devient sur ce tronçon un élément patrimonial, un témoin de l’histoire récente du quartier, que l’on peut visiter. En surface, une noue de 8m de large récupérant l’eau de ruissellement des deux versants fait office de rivière symbolique. Elle offre un sol drainant idéal pour accueillir des herbacées annuelles et vivaces issues de la friche (fenouil commun, vipérine, chondrille à tige de jonc) sur les cotés, et des plantes plus hautes (type stipa, roseaux, canne de Provence, jonc) qui, en ondulant sous l’effet du vent pourront faire penser au mouvement de l’eau.


Les alignements de platanes et micocouliers historiques deviennent les éléments marqueurs de ce nouvel espace public. Leurs fosses d’arbres sont agrandies: à leur pied, une nouvelle state herbacée spontanée voit le jour. Ces lieux refuges accueillent un mobilier circulaire modulaire, qui va du banc au perchoir. Puis des cercles élargis dessinent au sol des espaces appropriables pour le jeu. La mise en œuvre de différents revêtements autour des arbres font de la place du Moulin un plateau de jeu urbain.

L’ascension jusqu’à la gare du Moulin se fait par une rampe de 4 % qui traverse la friche SNCF conservée pour ses apports à la biodiversité urbaine. En montant au cœur de la végétation spontanée, on se rend compte des qualités qu’elle recèle. Des plantes vues négativement comme les ailantes traduisent ici l’histoire de la friche SNCF, souvent semée pour consolider les talus en bord de voie ferrée. Des tailles tous les 5 à 7 ans dans les troènes du Japon permettront de les recéper pour souligner les vues. En haut, un quai de 8m de large est pensé comme une place publique multifonctionnelle. Ce quai-terrasse sur la ville peut accueillir des activités du Centre Municipal d’Animation.

Un projet de Capucine Desvallées, étudiante à L'ENSP, 2022. Toutes les illustrations sont l’œuvre de l'autrice.

Encadré par Etienne Ballan et Eugénie Denarnaud

Edité par Mathilde Jourdam-Boutin, Atelier Marseille 4-5, 2023